Il y a dans le travail de Camille Bernard – Gravel un intérêt soutenu pour les phénomènes de perception « naturelle » dont elle nous restitue la complexité à travers des équivalents artificiels très simples. Ainsi de sa Machine à pluie, présentée en 2013, et qui, à partir d’un système mécanique élémentaire, activé par une manivelle, simule la chute de grosses gouttes d’eau dans un récipient. Ou de son Champ de blé (2014), une sculpture composée de tiges métalliques à l’extrémité desquelles sont fixés des épis factices qui ondulent sous l’effet d’un vent imaginaire simulé par les vibrations d’un plateau mu électriquement.
Durant sa résidence à la Casa Proal, elle a imaginé deux dispositifs qui dépendraient cette fois complètement des forces naturelles. L’un est installé à San Rafael, sur une petite plage de la rivière Bobos. C’est une structure de bambous, portant une sorte de cadre incliné à 30 degrés environ, d’une largeur de 12 m pour une hauteur d’à peu près 5 m. Sur des fils plastiques tendus à intervalles réguliers sont accrochées des guirlandes en papier coloré métallisé, telles que l’on en vend dans les boutiques du village et qui ont un peu l’allure de fleurs quand on les regarde de près et, avec un peu plus de distance, de barbelés géants sans leur côté agressif. Vus de plus loin encore avec les reflets du soleil et le vent qui les fait bouger, on dirait une surface sensible et vivante qui varie selon la lumière du jour.
Les tôles en métal placées dans un site très aride près de Peroté forment un vaste rectangle dans le paysage qui apparaît comme un indicateur de la « profondeur de champ » et l’arrière plan d’un studio photographique en plein air sur fond duquel les animaux viennent naturellement poser. Dans ces deux œuvres on obtient un effet de cristallisation qui concentre en un lieu du visible ce qui dans l’environnement paysager en permet l’apparition, comme si l’artiste avait capturé et amplifié les forces diffuses qui permettent désormais de le contempler.
Gilles A. Tiberghien
FÉVRIER – MAI 2016
