On trouve dans le paysage quantité de ce que les américains appellent des Landmarks, des sortes de points remarquables qui permettent de se repérer. Certains sont naturels, d’autres construits par les hommes. Ils figurent souvent sur les cartes sous forme de différents symboles. L’artiste Robert Smithson observant la carte du Yucatan les comparait à des traces ou à des déjections animales. Le collectif Galerie Rezeda qui comprend deux artistes, Adeline Duquesnoy et Manuel Reynaud, s’intéresse particulièrement à ces phénomènes et à leur représentation cartographique. Leur travail consiste à inventer des balises qu’ils déplacent, en écho avec le territoire sur lequel ils les construisent, pas seulement pour le signifier mais aussi, d’une certaine façon, pour le matérialiser.
Ainsi ont-ils réalisé, avec des menuisiers de la région, une charrette et une brouette ; la première est comme un meuble mobile à plateaux coulissants sur lesquels est posé un ensemble de pictogrammes peints sur papiers (rappelant la sauterelle du métro Chapultepec à Mexico) – dont certains ont aussi été fabriqués en bois – signifiant des éléments naturels que l’on trouve autour de San Rafael. La seconde est une étrange brouette dont la taille et la forme rappellent un peu un pétrin. Elle sert à transporter, lorsque les artistes se déplacent avec, les balises construites de façon combinatoire à partir de tubes, de cubes et de disques en s’inspirant d’éléments architecturaux locaux. À leur sommet est planté un fanion arborant un motif brodé, un cactus stylisé, par exemple. Adeline Duquesnoy et Manuel Reynaud en ont fabriqué une trentaine. En se déplaçant, ces deux semblent redistribuer les particularités du territoire et contaminent ainsi géographie et cartographie artistique en ouvrant une zone nomade où peut s’engouffrer l’imaginaire même des habitants.
Dans un pays où l’on compte autour de 30% d’analphabètes dans la population indigène, pour 7,7 % dans tout le Mexique, ce travail prend un sens à la fois politique et artistique en donnant à des réalités locales la dimension d’un rêve territorial accessible à tous.

Gilles A. Tiberghien

FÉVRIER – MAI 2016



GALERIE REZEDA






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